La CFDT a permis en 2019 que le forfait jour soit mis en place à l’ADEME.

A l’époque, dans le contexte de remise en cause générale de nos acquis sociaux par la politique RH2020 de la direction il s’agissait pour nous d’expérimenter une nouvelle forme d’organisation du temps de travail.

Expérimenter, oui, mais pas n’importe comment.

En effet, toutes les enquêtes montrent que les salariés en forfait jour travaillent bien au-delà des 35h hebdomadaires. Selon une enquête de la DARES (Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques du ministère du travail) :

  • 39% travaillent 50h ou plus ;
  • 22 % travaillent 45h.

Nous avions donc négocié avec la direction des conditions de mise en œuvre garantissant la protection des salariés.

Malgré ces précautions, une enquête de la direction de 2020 auprès des salariés en forfait jour montre :

  • Que les deux tiers travaillent fréquemment ou occasionnellement en dehors de plages habituelles de travail (week-end, soirée, congés) ;
  • Qu’un tiers des salariés en forfait jour a constaté un accroissement de sa charge de travail, avec notamment une perte de repère sur le nombre d’heures travaillées ;
  • Que 60% concilie moins facilement sa vie privée avec sa vie professionnelle.

La CFDT ne signera pas l’avenant n°1 à l’accord, signé par le SNE et la direction, car il supprime les garde-fous que nous avions pu obtenir.

La question centrale du volontariat

Certes, l’accès au forfait jour est formellement basé sur le volontariat, selon les termes de l’accord (art. 7.1).

Mais…

L’augmentation de notre salaire n’est possible qu’en cas d’atteinte, et plus sûrement, de dépassement de nos objectifs.

L’atteinte, ou le dépassement, de nos objectifs génère notre charge de travail.

L’évolution conjointe des effectifs et du budget de l’ADEME ne permet pas d’entrevoir une réduction de la charge de travail dans un avenir prévisible.

Donc l’atteinte de nos objectifs nécessitera toujours plus de temps de travail.

Ça tombe bien, car aucune procédure de contrôle de ce temps de travail n’est prévue dans le cadre du forfait jour. Cela revient à annuler les 35h en travaillant toujours plus.

Pas besoin d’être clairvoyant pour deviner que certains hiérarchiques, eux-mêmes soumis à l’atteinte/dépassement de leurs objectifs, pousseront leurs subordonnés à passer en forfait jour, en leur faisant miroiter la possibilité de hausse de salaire…

Quels que soient les impacts sur leur santé…

Que reste-t-il du volontariat dans ce contexte ?

En 2019, la CFDT n’avait signé l’accord forfait jour qu’avec la mise en place d’un garde-fou : le seuil de rémunération.

Ce seuil permettait de supprimer ce chantage à la rémunération pour les salariés qui ne l’atteignaient pas. Pour ceux qui le dépassaient, soit ils avaient assez d’ancienneté pour résister aux pressions de leur hiérarchique, soit ils visaient une évolution de carrière expresse qui, de toute façon, s’accommodait sans peine de toutes les demandes de leur hiérarchie.

Que reste-t-il également du volontariat quand, à l’embauche, il t’est proposé de travailler directement en forfait jour ? L’alternative, avec le chômage, correspond-elle à un choix réellement volontaire du forfait jour ?

L’éternelle question de la régulation de la charge de travail

Cette régulation est au cœur de la qualité de vie et de la santé au travail (si chère à notre DRH…), que ce soit en horaire dynamique ou en forfait jour.

Avec les horaires dynamiques, cette charge est en partie maîtrisée via le contrôle des temps de travail. De plus, sa  régulation implique la responsabilité des hiérarchiques.

En forfait jour, plus aucun contrôle à ce niveau. Seuls des « temps d’échange » avec son hiérarchique permettent de « négocier » sa charge de travail.

Négocier avec son supérieur hiérarchique, celui qui décide des hausses de son salaire ou pas, de l’évolution de sa carrière ou pas… Nul doute qu’avec certains hiérarchiques, cette négociation sera très fructueuse…

L’expérience des 3 ans de pratique de l’accord a montré clairement que ces pratiques ne permettent pas de réguler la charge de travail des salariés en forfait jour.

Quant à la seule contrainte de badgeage prévue en forfait jour (pour l’entrée et la sortie de journée), en 3 ans de pratique de l’accord la direction a montré toute son incapacité à la faire respecter.

C’est d’autant plus dommage que l’objectif de ces badgeages est de permettre à chaque salarié en forfait jour de bénéficier de ses droits de repos, journaliers et hebdomadaires. Là encore, la qualité de vie au travail (si chère à notre DRH…) ne fait pas le poids face à l'atteinte des objectifs.

L’incitation financière au passage au forfait jour

2 557 € de prime ponctuelle et 1% de hausse de salaire quand on passe et reste au forfait jour !

Pas grand-chose certes, mais vu le contexte c’est toujours un argument pour pousser à travailler (beaucoup) plus pour gagner (à peine) plus…

Cette hausse de 1% réservée aux salariés ayant opté pour le forfait jour est ponctionnée sur la masse budgétaire dédiée aux augmentations de tout le personnel ; c’est autant qui ne sera pas disponible pour les plus bas salaires :  les employés, exclus du forfait jour, sont les salariés les moins bien payés de l’ADEME. Leur salaire moyen n’est que de 66% du salaire moyen à l’ADEME.

C’est déjà de la discrimination…

Mais ça l’est encore plus quand on sait qu’à l’ADEME, les employés sont à 97% des femmes…

Qu'en est-il de l’égalité femmes/hommes (si chère à notre DRH…) ?

L’illusion des plages fixes

Favoriser le travail collectif en imposant la présence des salariés en forfait jour pendant les plages fixes…

C’est impossible, car illégal…

Il ne reste alors plus aux signataires qu’à se payer de mots en « recommandant » la présence pendant les plages fixes.

Ce n’est pas avec des vœux pieux qu’un syndicat améliore les conditions de travail.

 

La CFDT se refuse à augmenter les risques d’une généralisation du forfait jour à l’ADEME : nous ne signerons pas son avenant n°1