Pour mémoire, le code du travail n’autorise pas la direction à mettre en place le forfait jour en dehors d’un accord d’entreprise signé par 2 syndicats ou signé par un syndicat et approuvé par référendum.

La CFDT est, à ce jour, le seul syndicat signataire de l’accord forfait jour qui a été approuvé par référendum le 3 octobre 2019 (avec 53 % de vote positifs). SNE et CGT s'étaient opposés à l'accord et avaient appelé à voter contre lors du référendum.

 

Nous vous avons transmis notre analyse du bilan de deux années de pratique du forfait jour. Vous avez été plus de 600 à la consulter, vous pouvez la retrouver ici[1].

Pas plus de souplesse pour profiter de ses temps de repos

Ce bilan met en avant une évidente absence de maîtrise, par la hiérarchie, de la charge de travail des salarié·e·s en forfait jour, ce qui les conduit à travailler au-delà de ce qui est prévu par l’accord :

  • Doublement du nombre de jours travaillés, au-delà des 204 conventionnels entre 2020 et 2021 ;
  • Perte du bénéfice de jours de repos ou de congés payés pour pouvoir travailler au-delà de ces 204 jours prévus, au détriment de la santé des salariés : leur dépôt au CET n'améliore pas l'équilibre vie privée / vie pro ;
  • Perte de plus de la moitié des repos de récupération des déplacements, toujours au détriment de la santé des salariés ;
  • Perte du bénéfice des repos journaliers (11h) et hebdomadaires (35h) du fait d’un travail fréquent le soir ou le week-end, encore au détriment de la santé des salariés.

Cette situation illustre clairement ce que la CFDT craignait : le forfait jour n’offre pas plus de possibilités de profiter de ses temps de repos que les horaires dynamiques.

Un seuil de rémunération pour protéger les salarié·e·s

Comme nous nous attendions à ce constat et pour éviter de soumettre tous·tes les salarié·e·s à ce régime, nous avons mis en place un seuil de rémunération pour pouvoir postuler au forfait jour : 1,3 fois le PASS[2]. Aujourd’hui, avec ce seuil, 30% des salarié·e·s concerné·e·s[3] ont accès au forfait jour[4] (parmi lesquels seuls 34% l'ont choisi).

Pour nous, CFDT, ce seuil a pour but essentiel de soustraire des salarié·e·s en début de carrière à la « pression amicale » de certains hiérarchiques. Quand on débute, il est difficile de résister à ces « pressions amicales » à passer au forfait jour… Mais quand on est plus avancé·e dans sa carrière, avec une rémunération plus élevée, il devient alors possible de prendre le recul nécessaire pour être réellement volontaire.

Quelle que soit son ancienneté, la question de ces « pressions amicales » devient aujourd’hui encore plus préoccupante, maintenant que la convention de travail n’offre plus qu’une seule solution pour voir son salaire augmenter : être proposé·e par son hiérarchique à une mesure individuelle… Comment résister aux « pressions amicales » de celui-ci ou celle-ci dans ce cas ?

Ce que veut la direction

Dans son message du 13 avril dernier[5], le président présente les orientations que la direction souhaite donner à cet accord. Outre la nécessaire mise en cohérence de cet accord avec les dispositions du nouvel accord OTT, il s’agit pour la direction de :

  • Rendre 65 % des salarié·e·s éligibles au forfait jour ;
  • Pouvoir embaucher directement en forfait jour (ce que le président a « oublié » de mentionner) ;
  • Augmenter de 1% le salaire de base des salarié·e·s au forfait jour (en sus de la prime de 2 500€).

Les propositions de la CFDT

Pour nous CFDT, nous approuvons la mise en adéquation des dispositions des horaires dynamiques (accord OTT) et de celles du forfait jour.

Pour nous CFDT, si d’autres sujets doivent être abordés, alors la négociation doit d’abord porter sur :

  • Le respect des dispositions légales en matière de prise des repos journaliers et hebdomadaires (contrôle de l’amplitude des badgeages en fin et début de journée pour les non hiérarchiques) ;
  • Le respect des droits à repos par la maîtrise de la charge de travail (dispositions de suivi de l’activité et d’entretiens avec le hiérarchique).

Ce n’est qu’une fois que seront respectées ces dispositions, qui figurent dans l’accord, qu’il sera possible d’étudier l’élargissement de l’accès au forfait jour par une réduction du seuil de rémunération.

Quant à l’embauche directe en forfait jour, nous n’en voyons pas l’intérêt puisque tout salarié embauché en horaires dynamiques peut choisir le forfait jour après 3 mois de présence…

Sans compter que l’augmentation de 1% du salaire de base risque de se faire au détriment de l’augmentation des autres salariés, quoi que nous en dit la direction.

 

Bref, la direction a encore du boulot à réaliser avant que la CFDT envisage l’accès au forfait jour à un plus grand nombre : mettre réellement en application les mesures prévues dans cet accord !

Nous n’oublions pas que nous avons rencontrés des difficultés similaires dans l’application de l’ex-accord ARTT pendant 20 ans...

 

[1] https://www.cfdt-ademe.fr/la-cfdt-a-l-ademe/les-negociations-d-accords/forfait-jour/bilan-des-2-annees-d-exercice-du-forfait-jour

[2] plafond annuel de la sécurité social – 1.3 PASS = 53 477 € en 2022

[3] Le forfait jour n’est possible que pour les CDI, CDD de mission, MAD et détachés, soit environ 850 salarié·e·s

[4] Cette pratique n’est pas exceptionnelle, elle est même habituelle parmi les entreprises pratiquant le forfait jour. Par exemple, la convention collective de SYNTEC (fédération des syndicats d’entreprises de conseil, ingénierie, formation…) place la barre de l’accès au forfait jour à 2 PASS, le réservant de facto aux seuls cadres dirigeants.

[5] https://collaboratif.ademe.fr/jcms/prod_1000127413/fr/signature-de-l-accord-sur-l-organisation-du-temps-de-travail-et-negociation-sur-le-forfait-jours?cid=ar_7396