Il manque à cette enquête (résultats à télécharger ici) la question de fond : Qui souhaite renoncer à son poste de travail « privatif » ? Mais peut-on la poser sans présenter l'alternative à ce poste fixe privatif...

Quelle est aujourd’hui l’alternative proposée par la direction ? A part le jeu de bonneteau avec les bureaux, sur le site d’Angers notamment, rien n’est mis en place concrètement.

Quel est le rôle de cette enquête dans ce contexte de renégociation de l’accord télétravail et de flex office masqué ?

Voici en tout cas l’analyse que la CFDT porte sur cette enquête.

L'argument de la sobriété environnementale, avancé par la direction pour le partage des postes de travail (page 19), est-il réel ou est-ce du simple greenwashing ?

Il est en tout cas plébiscité par 66.6% des salariés. Dans cette enquête la disponibilité des postes de travail à partager repose sur le recours au télétravail généralisé. Mais :

Donc 39% du parc de logements a un DPE de niveau E ou moins, ou encore 71% de niveau D ou moins. Dans ces conditions, remplacer l'usage de bureaux tertiaires (soumis à une obligation de réhabilitation énergétique par leurs gestionnaires privés) par des logements privés énergivores représente un impact environnemental accru.

  • En matière de réduction des déplacements du fait du télétravail, si l'impact direct est réellement positif une étude de l'ADEME montre qu'il s'avère réduit d'au moins un tiers par les effets rebonds. Le plus important d'entre eux est dû au remplacement des « arrêts collatéraux », effectués lors de la navette domicile/travail, par des déplacements dédiés lors du télétravail (courses, dépôt des enfants à l'école...). Une étude effectuée en Suisse Romande en 2020 (dernier graphique) le démontre : en cas de recours massif au télétravail, la réduction des km parcourus n'est que de 1,4% et celle des tonnes de CO2 émises de 0,8%. Le gain environnemental effectif est donc très minime...
  • Sur la consommation du foncier (étalement urbain) : La dispersion des lieux de télétravail dans des logements individuels privés consomme nécessairement plus de foncier que le regroupement de lieux de travail dans un immeuble. Idem pour la consommation de foncier par les voiries. Sous cet angle l'impact environnemental est donc négatif. Impact boosté par un autre effet rebond du télétravail : déménager pour s'installer plus loin dans plus grand, avec ses conséquences induites sur les déplacements...

Alors, peut-on réellement parler de sobriété environnementale...

L'argument de gain en qualité de vie lié à l'absence des navettes domicile/travail en télétravail est réel, mais il est contrecarré par d'autres difficultés (mises en avant en pages 3 et 4 de l'enquête) ayant des impacts négatifs sur la santé :

  • addiction au boulot qui se manifeste par des difficultés à se déconnecter pour 47% des salariés ;
  • isolement social pour 40% ;
  • sédentarité accrue pour 58%.

Par ailleurs, le partage de poste de travail complexifie déjà l'accueil de nouveaux arrivants : tout ce qui se fait de façon informelle en collectif sur site va devenir beaucoup plus compliqué du fait des difficultés à se retrouver et se rencontrer. Cela nécessitera une organisation plus rigoureuse et contraignante (plages horaires réservées, prise de rdv téléphonique, etc.).

L'enquête montre que la proximité avec l'équipe (ou les collègues) est très importante pour respectivement 73% et 54% des salariés (page 18). Cela devient donc un frein au partage des postes de travail : il y a alors perte de repère vis à vis de l'environnement de travail pour 55% des salariés (page 20).

L'assurance d'avoir un lieu (poste de travail ?) accessible sur site conditionne l’acceptation de ce partage des postes de travail pour 80% des salariés (page 21). Mais, 81% (page 20) voient la nécessité de le réserver comme un frein à sa mise en place... Comment la direction entend-elle organiser concrètement ce partage des postes de travail ? Premier arrivé, premier servi et les derniers dans les escaliers ?

Les salariés réclament massivement (à 76%, page 22) un poste de travail bien équipé (compatibilité entre station et portable, accès aux imprimantes...) et compatible entre les différents types de matériels disponibles. D'une manière globale, la qualité des équipements informatiques, soit en télétravail soit sur site, est un facteur clef. Les salariés plébiscitent la prise en charge de ces équipements par la direction (83% pour le numérique et 57% pour le mobilier, page 27). Il faudra que la direction soit au rendez-vous de ces attentes.

Enfin, l'accord télétravail le mentionne explicitement : le télétravail se fait sur la base du volontariat. La CFDT sera attentive à ce qu'il ne soit ni imposé par l'employeur, ni subi par les salariés. Il ne doit pas correspondre à un choix palliatif, contraint, pour échapper à des conditions de travail sur site dégradées par le partage des postes de travail.

Pour la CFDT il est urgent que les syndicats et la direction engagent une négociation pour encadrer les conditions de ce partage des postes de travail. La CFDT entend éviter la mise en place d'un flex office hâtif et mal pensé qui accroitra le stress de nos conditions de travail.